Banquets, épées et chapeaux…

Banquet MaçonniqueQuel drôle de titre que celui ci ! En fait il correspond aux titres des deux prochains articles de mon cru qui seront parus dans les prochains Epistolae ((La revue interne de la GLTSO, mon obédience pour celles et ceux qui l’ignoreraient encore)) . Ces articles répondent à un besoin important qui n’est pas toujours pris en compte par l’obédience. Il s’agit d’un double besoin – puisqu’il y a 2 articles Sourire – tant au niveau de la rituélie des banquets que celle de l’épée et du chapeau.

Ces articles, bien qu’ils puissent être lu par les Maçons de tous rites, sont principalement destinés aux Frères et Soeurs pratiquant le Rite Ecossais Rectifié, rite Chrétien ((oui, ça existe, mais encore faudrait il s’entendre sur la définition de « Chrétien » ? La définition que j’en donne est une personne qui a reçu le Baptême Chrétien tel que les premiers Chrétiens, ceux d’avant Nicée, le transmettaient. Ainsi, dans cette tradition, un Juif peut être Chrétien, à l’image des premières communautés.)) puisqu’ils approfondissent la gestuelle du rite en question.

Le Banquet :

C’est le malconnu du rite ; il est pratiqué par peu de loges et beaucoup pensent qu’il est exclusivement réservé aux occasions qui rythment la vie maçonnique. Pire encore, certains pensent qu’il n’est réservé qu’aux Saint-Jean… C’est pour réhabiliter et redonner ses lettres de noblesses au Banquet Rectifié que j’ai écrit cet article qui lui est dédié. Les textes historiques concernant le banquet sont passés en revue, qu’il s’agisse du rituel en lui même, du règlement associé ou de l’article qui lui est dédié dans le Code des Loges Réunies et Rectifiées ((…dans ses 2 versions)) de 1778…

Avec un seul objectif : redonner aux Loges l’envie de le pratiquer.

L’épée et le chapeau :

Frédérick IIEh oui, lorsque nous visitons différentes loges rectifiées nous en tirons un constat étonnant ; certaines ont créé leurs propres gestuelles qui dénotent avec les textes d’origines… Ainsi, au moment de la batterie nous voyons un Vénérable Maître coincer son épée sous son bras gauche (véridique !), d’autres oublier leur épée chez eux, d’autres Frères encore la poser par terre…

Et parlons du chapeau ! Certains s’adressent au Vénérable Maître sans se découvrir, certains imposent un tricorne, certains saluent sans ôter leur chapeau ni même lui porter leur main. Tricorne, Calot ou Chapeau de ville, là encore les avis divergent… La réponse sera dans l’article en question.

Tout est écrit dans les rituels et si ce n’est pas écrit, tout est largement suggéré. Politesse, correction et bon sens sont alors nos meilleurs amis. C’est grâce à une lecture approfondie des rituels d’origine (j’insiste, on évitera les rituels frelatés portant la mention manuscrite de Willermoz ajoutée par copier coller par des individus peu scrupuleux en quête d’authenticité; c’est parfois du bizarre) que nous pourrons retrouver une gestuelle simple de ces attributs hérités du 18e siècle.

Alors, bonnes lectures !

 

Quelques réflexions sur le chapitre 1 de “De la Liberté et des facultés des êtres spirituels et de leur émancipation”.

Voici un petit texte explicatif du premier chapitre de “De la Liberté et des facultés des Êtres Sprituels et de leur émancipation”. Le texte original est consultable en ligne sur le site de la BNF. Il permet de rappeler quelques fondements de l’ésotérisme Chrétien de Martinez de Pasquali, également de ceux qui en ont découlé à savoir celui de Jean Baptiste Willermoz et évidemment celui de Louis Claude de Saint Martin. L’accent est mis sur les différences qu’il y a entre les êtres émanés de Dieu et ceux qui sont émancipés. Les cherchants dits “rectifiés” pourront y puiser quelques éléments de réflexion.

Pélican en piétéÉmanation : Existence spirituelle, individuelle et hors du centre Divin. L’Émanation confère 3 qualités que sont la pensée, la volonté et l’action.

La liberté des êtres émanés – ce que sont tous les êtres spirituels – s’exprime de dans l’observation des préceptes, lois et commandements que Dieu donne à ces êtres, ce que Willermoz appelle la pratique du Culte pur de leur amour. Ainsi, les lois et commandements divins n’ont pour autre voie d’expression que celle du cœur, l’Amour. Ceux qui s’en écartent sont voués à la damnation et surtout, au malheur. Néanmoins cette Liberté qui est confiée aux êtres spirituels constitue leur faiblesse car ils peuvent en abuser. Et cette faiblesse témoigne du fait que les êtres spirituels émanés sont dépendants du créateur, qu’ils lui sont donc inférieurs.

La question que nous pouvons légitimement nous poser est celle du paradoxe entre amour et dépendance, également entre malheur et liberté. L’Amour ne rend ‘il pas libre ? La Liberté ne rend-elle pas heureux ? Tout ceci n’irait il pas à l’encontre de nos pensées vulgaires ? Jean Baptiste Willermoz nous répond que Dieu a borné la liberté des êtres émanés afin de leur procurer un bonheur éternel, qu’ils puissent ainsi vivre dans sa loi car Dieu est le seul être qui existe et qui soit bon de par lui-même. Ainsi, par l’observance de ces lois les êtres émanés sont bons.

Comment alors concevoir la Bonté de Dieu. En lisant le texte nous nous rendons compte que parce que Dieu est bon il a accordé la Liberté aux êtres émanés pour qu’ils en fassent bons usage. Il leur a donc, de fait, accordé la pensée, la volonté et l’action individuelle ce qui sous-entend l’usage libre de leurs facultés intellectuelles. C’est, en quelque sorte, le Libre Examen et la Confiance, que Dieu confie à ses êtres émanés. Ces êtres spirituels pensants ne sont donc pas des marionnettes du Créateur, ce que Willermoz appelle des automates.

En confiant aux êtres émanés le Libre Arbitre, Dieu leur donne également les outils de leur chute, tel ce qui s’est passé pour l’Archange Lucifer, mû par l’orgueil que cette liberté lui avait suggéré. C’est ainsi que Willermoz nous invite à distinguer 2 principes que sont l’émanation et l’émancipation.

L’émanation est selon lui l’acte d’Amour que Dieu fait pour donner aux êtres spirituels une existence distincte et et éternelle. Ils sont dotés de la pensée, de la volonté et de l’action mais cependant, cette émanation s’exprime dans les lois et commandements de Dieu.

L’émancipation est ce qui arrive aux êtres émanés qui ne suivent plus les commandements de Dieu. Ils sont dotés de la pensée de la volonté et de l’action mais doivent opérer un sacrifice pour regagner leur enchaînement au créateur.

Nous en déduisons avant que Willermoz ne l’écrive que les anges rebelles sont des êtres spirituels émanés qui se sont émancipés puisqu’ils rejettent la loi même de leur leur existence, à savoir celle de Dieu qui est Amour.

Qu’arrive-t-il alors aux êtres émancipés ? Willermoz nous dit qu’ils sont perdus néanmoins, cette perdition est temporaire ; elle dépend de leurs actions, de leurs opérations. Soit ils persistent dans leurs actions et dans leur égarement à savoir s’affranchir de l’union avec le Créateur, auquel cas ils sont définitivement perdus, soit ils décident de sacrifier leur Liberté pour recouvrer le bonheur de l’Amour en Dieu. La sanctification, l’état de grâce s’opère dans l’Amour de Dieu.

L’homme est un être au moins émancipé qui doit recouvrer son statut d’être spirituel émané nous laisse à penser Jean Baptiste Willermoz. Cette doctrine n’est pas sans nous rappeler celle de Martines de Pasquali qui nous expliquait qu’Adam ayant voulu se faire l’égal du Créateur par ses opérations, fût déchu avec ses créatures et que sa postérité doit travailler à regagner son état glorieux et spirituel originel qu’il appelle la réintégration. Cette victoire sur lui même que l’homme doit opérer pour regagner son état originel, c’est ce que Martinez appelle la réconciliation et Willermoz le Sacrifice. Un sacrifice qui rappelle la souffrance et la persévérance d’un cherchant.

L’homme est ainsi un être émancipé qui, pour obtenir la réconciliation d’avec son créateur, doit lui offrir sans cesse le fond de son cœur. C’est bien ce que propose le Rite Ecossais Rectifié, nous montrant ainsi la chute au premier grade, l’être émancipé au second grade, le sacrifice et la réconciliation au 3e grade et enfin la réintégration avec son créateur au dernier grade symbolique, ce que Willermoz appelle encore la sanctification.

Il cite les paroles du souverain juge qui sont : « Venez les bénis du Père, venez prendre possession du Royaume Éternel qui vous a été préparé dès le commencement ». N’est-ce pas là la parfaite description du dernier tableau du Maître Ecossais de Saint André ?

Willermoz nous invite à marcher dans les pas du Christ, celui qui a librement offert et sacrifié sa volonté à Dieu.

Tel Jésus, les hommes qui savent où est leur destination, où est leur chemin sentent en eux l’incarnation du Verbe Divin. L’évangile de Jean nous le rappelle sans cesse ; la Lumière, le Verbe Divin brillait dans les ténèbres, dans l’homme, mais les ténèbres ne l’avaient point comprise.

Par la prise de conscience de l’existence du Verbe Divin en lui, l’Homme pourra trouver le chemin de la réconciliation avec son Créateur. Il pourra même, recouvrer sa destination primitive et la grande puissance dont il fut investi par Dieu à sa création.

En ce sens, hors de la Foi il n’est point de Salut.

 

De l’immuabilité de la transmission

Au cours de mes lectures et autres pérégrinations intellectuelles et spéculatives, je me suis souvent interrogé sur les modes de la transmission d’une connaissance, qu’elle soit encyclopédique, scolaire ou initiatique. En fait mon interrogation principale est la suivante : Ais je le droit de modifier la connaissance que j’ai reçue tant dans sa forme que dans son fond afin de pouvoir la transmettre ?

PythagoreLa connaissance, le savoir dans sa plus grande acceptation, constitue le dépôt de toutes les découvertes et réflexions que l’Homme a pu faire au cours de son évolution. Nous pouvons partir du postulat que le savoir absolu n’existe pas ou du moins si il existe, il est hors de la portée limitée de mes capacités d’Homme. Le champ exploratoire de l’Homme est illimité, qu’il s’agisse de mathématique, de science, de linguistique, de littérature, d’arts, de théologie, de religion ou de spiritualité, il n’existe réellement aucune limite sinon celles que l’Homme définit par ses propres capacités. Une tradition peut également être l’objet d’une transmission. Cette tradition est également liée à un dépôt culturel ainsi qu’à une somme de connaissances. Revenons à la transmission, élément central de notre réflexion.

Pour qu’il y ait transmission, il faut qu’il y ait un “maitre” et un “élève”. Elle se fait d’Homme à Homme et ma problématique concerne le maitre ainsi que sa capacité à modifier ce qui lui a été transmis.

Durant ma vie, il m’a été transmis différents types de connaissances en des modes de transmission parfois étonnants. A la lumière de nouvelles découvertes, il peut arriver que ce qui m’a été transmis devienne obsolète, ce qui pose la question de la permanence ou de la temporalité de la connaissance. J’ai ainsi découvert que les cours de Français en classe de cinquième enseignent désormais qu’il existe des “compléments d’objet secondaire” mais que, n’ayant pas reçu cette connaissance, je suis incapable d’expliquer ce que c’est ni d’en comprendre le sens à moins que je l’acquiers par moi même en l’étudiant. Il ne s’agira plus de la transmission d’un savoir sinon d’un apprentissage individuel.

Qu’en est il de la transmission théologique voire initiatique ?

La transmission initiatique se conçoit graduellement. Elle permet au postulant ou récipiendaire d’acquérir certaines connaissances par le biais de cérémonies rituelles plus ou moins marquées. Cependant, au cours des âges, j’ai observé que les cérémonies rituelles, lorsqu’elles existent, peuvent évoluer. Aussi, je me suis toujours demandé qui et en vertu de quoi peut modifier un rituel ?

Un de mes Maitres à penser, disparu dans le premier quart du 19e siècle, a ainsi créé un ensemble rituel initiatique harmonieux et complet pour que ceux qui suivent la progression initiatique puissent acquérir de façon méthodique et graduelle un enseignement qui était alors réservé à l’élite de son époque. La forme est telle qu’elle transmet des éléments de fond et réciproquement. Qu’est ce que le fond sans la forme ? Qu’est ce que la forme sans le fond ? A l’approche de l’hiver, qui connait encore la signification de la buche de Noël ? Qui sait pourquoi il faut décorer un arbre ? Ici la forme a été sauvegardée, mais le fond a été oublié par la multitude… Et pourtant, le Sol Invictus a encore de nombreuses années à vivre.

Il n’est, selon moi, pas possible de modifier un rituel à moins d’être son propre créateur. Ainsi, seul JBW peut modifier un rituel de JBW et aucune structure, quelle qu’elle soit, n’a autorité pour ce faire sauf à n’en avoir pas compris son essence. Il en est de même pour tous les rites initiatiques. Lorsque des “américains” sont venus en France en 1804, ils ont peu à peu modifié leurs rituels afin de les mettre en adéquation avec les rituels de la même époque qui étaient pratiqués en France et ces rituels aujourd’hui n’ont plus rien de commun avec ce qu’ils étaient à Charleston en 1801-1802. Le message en a été changé.

En fait, chaque être accomplissant une démarche initiatique devrait prendre l’engagement de transmettre ce qu’il a reçu de la façon qu’il l’a reçue, en l’état. C’est ce qui fait que, selon moi, la transmission est et doit rester immuable.