De l’immuabilité de la transmission
Au cours de mes lectures et autres pérégrinations intellectuelles et spéculatives, je me suis souvent interrogé sur les modes de la transmission d’une connaissance, qu’elle soit encyclopédique, scolaire ou initiatique. En fait mon interrogation principale est la suivante : Ais je le droit de modifier la connaissance que j’ai reçue tant dans sa forme que dans son fond afin de pouvoir la transmettre ?
La connaissance, le savoir dans sa plus grande acceptation, constitue le dépôt de toutes les découvertes et réflexions que l’Homme a pu faire au cours de son évolution. Nous pouvons partir du postulat que le savoir absolu n’existe pas ou du moins si il existe, il est hors de la portée limitée de mes capacités d’Homme. Le champ exploratoire de l’Homme est illimité, qu’il s’agisse de mathématique, de science, de linguistique, de littérature, d’arts, de théologie, de religion ou de spiritualité, il n’existe réellement aucune limite sinon celles que l’Homme définit par ses propres capacités. Une tradition peut également être l’objet d’une transmission. Cette tradition est également liée à un dépôt culturel ainsi qu’à une somme de connaissances. Revenons à la transmission, élément central de notre réflexion.
Pour qu’il y ait transmission, il faut qu’il y ait un “maitre” et un “élève”. Elle se fait d’Homme à Homme et ma problématique concerne le maitre ainsi que sa capacité à modifier ce qui lui a été transmis.
Durant ma vie, il m’a été transmis différents types de connaissances en des modes de transmission parfois étonnants. A la lumière de nouvelles découvertes, il peut arriver que ce qui m’a été transmis devienne obsolète, ce qui pose la question de la permanence ou de la temporalité de la connaissance. J’ai ainsi découvert que les cours de Français en classe de cinquième enseignent désormais qu’il existe des “compléments d’objet secondaire” mais que, n’ayant pas reçu cette connaissance, je suis incapable d’expliquer ce que c’est ni d’en comprendre le sens à moins que je l’acquiers par moi même en l’étudiant. Il ne s’agira plus de la transmission d’un savoir sinon d’un apprentissage individuel.
Qu’en est il de la transmission théologique voire initiatique ?
La transmission initiatique se conçoit graduellement. Elle permet au postulant ou récipiendaire d’acquérir certaines connaissances par le biais de cérémonies rituelles plus ou moins marquées. Cependant, au cours des âges, j’ai observé que les cérémonies rituelles, lorsqu’elles existent, peuvent évoluer. Aussi, je me suis toujours demandé qui et en vertu de quoi peut modifier un rituel ?
Un de mes Maitres à penser, disparu dans le premier quart du 19e siècle, a ainsi créé un ensemble rituel initiatique harmonieux et complet pour que ceux qui suivent la progression initiatique puissent acquérir de façon méthodique et graduelle un enseignement qui était alors réservé à l’élite de son époque. La forme est telle qu’elle transmet des éléments de fond et réciproquement. Qu’est ce que le fond sans la forme ? Qu’est ce que la forme sans le fond ? A l’approche de l’hiver, qui connait encore la signification de la buche de Noël ? Qui sait pourquoi il faut décorer un arbre ? Ici la forme a été sauvegardée, mais le fond a été oublié par la multitude… Et pourtant, le Sol Invictus a encore de nombreuses années à vivre.
Il n’est, selon moi, pas possible de modifier un rituel à moins d’être son propre créateur. Ainsi, seul JBW peut modifier un rituel de JBW et aucune structure, quelle qu’elle soit, n’a autorité pour ce faire sauf à n’en avoir pas compris son essence. Il en est de même pour tous les rites initiatiques. Lorsque des “américains” sont venus en France en 1804, ils ont peu à peu modifié leurs rituels afin de les mettre en adéquation avec les rituels de la même époque qui étaient pratiqués en France et ces rituels aujourd’hui n’ont plus rien de commun avec ce qu’ils étaient à Charleston en 1801-1802. Le message en a été changé.
En fait, chaque être accomplissant une démarche initiatique devrait prendre l’engagement de transmettre ce qu’il a reçu de la façon qu’il l’a reçue, en l’état. C’est ce qui fait que, selon moi, la transmission est et doit rester immuable.